Deuxième séance de la série de séminaires Genre(s) et méthodes co-organisé par le LabSIC (Laboratoire des Sciences de l’information et de la communication, Université Sorbonne Paris Nord, France) et le CRICIS (Centre interuniversitaire sur la communication, l’information et la société, Québec, Canada). Cette séance, intitulée Étudier la migration – de l’ethnographie à la recherche collaborative, a eu lieu le vendredi 23 avril 2021 entre 9h et 12h (15h-18h à Paris).
Résumés des communications
Claire Cosquer: Conditions épistémologiques et éthiques d’une ethnographie de migrant-es blanc-hes
Je reviendrai dans cette communication des conditions éthiques et épistémologiques de l’ethnographie des migrations françaises à Abu Dhabi (Émirats arabes unis). Cette ethnographie analysait en particulier la position de ces migrant-es dans les rapports sociaux de race, en l’appréhendant par le concept de blanchité. La communication explorera les avantages et les tensions méthodologiques associés à l’usage de l’entretien biographique et de l’observation non-déclarée, en prenant au sérieux leur spécificité et leur plus-value épistémologique respectives, mais également en nuançant leur opposition terme à terme. J’y réfléchis à l’indissociabilité des choix épistémologiques et éthiques, en ce qu’il n’est pas de parti pris éthique qui n’ait de conséquence épistémologique, et inversement.
Biographie: Claire Cosquer est docteure en sociologie de l’Institut d’études politiques de Paris, chercheuse contractuelle à l’Institut nation d’études démographiques et chercheuse associée à l’Observatoire sociologique du changement. Elle a soutenu en 2018 une thèse intitulée « « Expat » à Abu Dhabi : blanchité et construction du groupe national chez les migrant.e.s français.es. », sous la direction de Mirna Safi. Elle s’intéresse à l’articulation des relations internationales, des migrations et des modes de catégorisation raciale. Parmi ses publications récentes en 2020 : « Une cage dorée ? Expériences genrées du privilège migratoire dans l’« expatriation » ». Sociologie Vol. 11 (3): 223‑42. ; « Ethnographier la blanchité dans les migrations françaises à Abu Dhabi : tensions épistémologiques et éthiques d’un « cynisme méthodologique » ». Cahiers de l’Urmis, nᵒ 19 (novembre) ; « La production d’un entre-soi expatrié à Abu Dhabi ». Métropolitiques, septembre.
Caterine Bourassa-Dansereau: Recherche collaborative et approches féministes : apports et tensions de la recherche par, pour et avec les femmes.
Dans le cadre du séminaire Genre(s) et méthodes organisé par le CRICIS et le LabSIC, je propose d’aborder les enjeux méthodologiques et éthiques qui caractérisent la recherche collaborative féministe menée par, pour et avec les femmes. Ces enjeux concernent l’ensemble des étapes de la recherche; de la définition des objectifs, à la diffusion des résultats, en passant par la construction des outils de collecte et l’analyse des données. Au cœur de cette communication, je m’attarderai aux défis liés à l’importance de reconnaitre et de valoriser les différents types de savoirs, à la nécessité d’identifier et de nommer les relations de pouvoir et à l’engagement visant à s’assurer que les apports et retombées de la recherche collaborative féministe profitent à toutes les actrices de la démarche. À travers quelques exemples de projets de recherche, j’illustrerai de plus les enjeux spécifiques qui caractérisent la recherche collaborative avec les femmes immigrantes et réfugiées.
Si cette communication propose des pistes de réflexion sur la posture de la personne chercheuse, elle s’intéresse aussi aux principales actrices de la recherche collaborative féministe : les professionnel·les des groupes partenaires, les intervenant·es et les femmes elles-mêmes, actrices au cœur de ces démarches.
Biographie: Caterine Bourassa-Dansereau est professeure au département de communication sociale et publique de l’UQAM. Elle est aussi membre du Groupe d’études et de recherche axées sur la communication internationale et interculturelle (GERACII), de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) et du Réseau québécois en études féministes (RéQEF). Ses recherches portent sur les enjeux entourant la communication interpersonnelle et interculturelle, l’identité et les approches féministes. Ses projets s’inscrivent majoritairement dans des approches de recherche collaborative et partenariale.
À propos de la série de séminaires
Co-organisé par le LabSIC (Laboratoire des Sciences de l’information et de la communication, Université Sorbonne Paris Nord, France) et le CRICIS (Centre interuniversitaire sur la communication, l’information et la société, Québec, Canada), le séminaire Genre(s) et méthodes (GEM) s’attache à étudier les questions féministes, intersectionnelles et de genre(s) en termes de méthodes, méthodologies et épistémologies. Concept transdisciplinaire fluide et non figé, le genre – ou les genres, pour échapper à un fonctionnement social binaire – a fait l’objet de travaux qui, en proposant un décentrement radical, ont transformé le paysage des sciences sociales et humaines tout au long du XXe siècle. Ce séminaire a pour objectif de proposer un espace pour discuter des apports de ces études à la pratique scientifique. Nous y discutons des façons de faire de la recherche lorsqu’on travaille sur le(s) genre(s), de ses / leurs articulations avec d’autres formes de minoration, et du pouvoir critique de cet outil pour désessentialiser le monde social. Cherchant à soustraire la réflexion à la pensée universaliste, nous y décentrons les regards pour aborder les questions de luttes, de résistances, à l’exemple de celles de corps racisés qui subissent différents rapports de domination. Nous réfléchissons à la façon dont sont opérés les décentrements des concepts et aux démarches mises en œuvre pour déconstruire les normes dominantes sur les identités de genre, les sexualités et d’autres rapports de pouvoir comme la classe ou la race. Pluriels, les questionnements portent sur la capacité à penser le positionnement de la chercheuse ou du chercheur, son engagement, sa subjectivité, le dévoilement de biais en termes de production ou d’interprétation de données, la réflexivité sur ces biais en tant que ressources heuristiques, épistémiques ou politiques, les questions éthiques soulevées par des objets perçus comme impurs, ou encore l’historiographie ou l’analyse du caractère genré d’un objet ou d’un dispositif d’enquête… Il s’avère pertinent de mettre au jour et d’analyser les façons dont le(s) genre(s) – ainsi que les concepts qui lui / leur sont rattaché(s) – sont travaillés et reconstruits par le terrain… Enfin, cet espace de dialogue a aussi pour vocation d’interroger la possible singularité des méthodes, méthodologies et épistémologies des approches par le genre et des études féministes et intersectionnelles. Ce séminaire met en lumière des travaux s’inscrivant dans les champs des médias et de la communication, et plus largement en sciences humaines et sociales (sociologie, histoire, anthropologie, sciences politiques ou philosophie…).
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